• Source: http://lesmoutonsenrages.fr/2016/10/28/traite-transatlantique-arnaque-la-casse-du-siecle/

    Vu que le CETA est en train de passer, et que celui-ci ne sera bénéfique pour personne, un petit rappel s’impose même si nous les avons multiplié dans le domaine, notamment dan cet article avec deux conférences à voir absolument, celle de François Asselineau, ainsi que celle de Raoul-Mac Jennar.

    Paul Magnette a beau dire que « le TTIP est désormais mort et enterré » et que « la Wallonie est parvenue à définir un nouveau standard élevé pour tous les autres accords commerciaux à venir« . Cela serait « un standard qui rend impossible la conclusion des négociations du projet de traité transatlantique avec les Etats-Unis« . La mort du TAFTA? Permettez-moi d’en douter, les États-Unis ne laisseront pas faire, et ils sont capables de tout pour parvenir à leur fin.

    Petit rappel du TAFTA en 30 minutes:

    Il n’y a que ceux qui refusent de s’intéresser à ce qu’il se passe qui ne savent pas, et si nous ne pouvons les obliger à s’informer, nous pouvons toujours espérer les voir tomber sur ce sujet…

    Le pire de tout, c’est que si nous nous unissions tous à travers l’UE (ou même le CANADA), nous pourrions aisément faire trembler leurs murs sans haine ni violence, mais il faudrait pour cela bouger un peu de son fauteuil… Des idées pour parvenir à cela étaient proposées ici.

    Et pour aller encore un peu plus loin dans le sujet, je vous propose ici un article intéressant:  INQUIÉTANT: cette vidéo décrit les effets d’un traité similaire au CETA et qui existe entre les USA et… le Canada: « Une vidéo diffusée par Stop-TTIP.org (inutile de préciser l’intention de cette association) fait un parallèle inquiétant entre le NAFTA (ou ALENA) un traité de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, et le CETA, actuellement bloqué par la Wallonie…« . Je n’ai personnellement pas réussi à intégrer la vidéo, d’où l’invitation à aller lire l’article.


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  • Ajoutée le 9 oct. 2016

    La Deutsche Bank est un colosse financier au pied d'argile. Fragilisée par des engagements difficiles, sera-t-elle la source de la prochaine crire financière ? Comment peut-on encore laisser une banque devenir aussi grande et dangereuse ?


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  • Source: http://lesmoutonsenrages.fr/2016/10/24/medicaments-meurtriers-et-crime-organise-interview-du-professeur-peter-gotzsche-sur-la-pharmafia-2/

    Le Professeur Peter Gøtzsche, Directeur du Nordic Cochrane Centre pour la médecine, est l’auteur du livre « Médicaments Meurtriers et Crime Organisé : comment Big Pharma a corrompu la Santé», paru en anglais en 2013, en espagnol en septembre 2014 et ce 14 novembre 2014 en allemand. Parution en français prévue en 2015 aux Presses Universitaires de Laval (Québec).

    Professeur Gøtzsche, depuis plus de trente ans, notre réseau se préoccupe tout spécialement de Bayer. Quelle est l’importance de l’industrie pharmaceutique allemande, par exemple comme lobbyiste ?

    Toutes les grosses firmes pharmaceutiques pratiquent un lobbying intensif, également à l’échelon européen.

    La firme Bayer doit répondre de nombreux scandales liés à l’industrie pharmaceutique, depuis l’héroïne jusqu’au Lipobay. Quelles expériences avez-vous faites avec cette entreprise ?

    Comme toutes les autres grandes entreprises pharmaceutiques, Bayer a participé à la criminalité organisée : par exemple corruption de médecins, ou escroquerie vis-à-vis du programme d’assurance-maladie US Medicaid.  Durant la Deuxième guerre mondiale, Bayer a utilisé comme cobayes des détenus de camps de concentration. Une lettre datant de l’époque prouve que Bayer a acheté 150 femmes à Auschwitz pour 170 marks chacune. Bayer avait écrit au commandant du camp : « Les expériences ont été effectuées. Toutes les femmes sont mortes. Nous vous recontacterons rapidement par un prochain message. » Les entreprises allemandes ont par exemple injecté des bactéries typhiques à des détenus des camps puis expérimenté sur eux divers médicaments.

    Pourquoi comparez-vous l’industrie pharmaceutique au crime organisé ?

    Parce que j’ai découvert que le système commercial des dix premières firmes pharmaceutiques inclut la criminalité organisée.

    Dans les années 80 les médicaments de Bayer ont infecté des milliers d’hémophiles. Des documents internes prouvent que la direction de la firme était au courant des risques, mais a néanmoins continué à vendre ses produits. Est-ce un exemple de pratique criminelle ?

    Dans cette affaire Bayer n’était pas le seul. Beaucoup de firmes pharmaceutiques ont vendu des produits sanguins contaminés.

    Bayer dépense 10 milliards d’euros par an pour la publicité et la commercialisation. Cela inclut les dons de médicaments aux hôpitaux, les formations continues pour médecins, les visiteurs médicaux, les dons à des groupes de lobbying, etc. Mais la firme se refuse à révéler la ventilation de cette somme. Devrait-on contraindre les industriels à publier le détail de ces dépenses ?

     Oui, bien sûr. Mais il faudrait aller encore plus loin et interdire d’une manière générale la publicité pour les médicaments. Somme toute nous avons fini par réglementer la publicité en faveur du tabac, et le marketing pharmaceutique est tout aussi dangereux. gal_9290

    Pourquoi les firmes réussissent-elles toujours à imposer sur le marché des produits inutiles, voire dangereux ? Falsifier les résultats des tests médicamenteux et dissimuler les dangers des médicaments sont des pratiques courantes. En outre, partout nous nous heurtons à l’argent de l’industrie pharmaceutique, qui achète tous ceux qui ont une influence quelconque dans le domaine de la santé. L’industrie réussit à corrompre des personnages importants, et à tous les niveaux, jusqu’au Ministère de la Santé.Mais le plus dangereux, c’est le marketing pharmaceutique. Les mensonges vont souvent jusqu’à prétendre l’exact contraire de la vérité.

    A-t-on estimé le nombre de décès liés aux effets secondaires ?

    À partir d’enquêtes menées dans diverses parties du monde, on dispose maintenant de résultats solides. Aux USA, par exemple, on estime qu’environ 200 000 patients et patientes meurent chaque année suite aux effets secondaires des médicaments. Dans la moitié des cas environs, les médicaments avaient été prescrits de façon régulière. L’autre moitié est la conséquence de surdosages, ou bien le médecin n’avait pas prêté attention aux interactions possibles avec d’autres médicaments. Il est toutefois difficile d’incriminer les médecins : presque tous les médicaments comportent 20 précautions d’emploi ou contre-indications, voire davantage. Il est impossible de les connaître toutes.

    Quelle est à votre avis la proportion de médicaments utiles parmi ceux qui sont présents sur le marché ?

    Nous pourrions sans grande difficulté supprimer 95% des dépenses liées aux médicaments, et alors nous aurions même une population en meilleure santé. Rien qu’en achetant le médicament le moins cher ayant les mêmes effets, nous réduirions les dépenses de moitié.Dans bien des cas, il serait tout simplement mieux de ne prescrire aucun médicament. Tous ont des effets secondaires indésirables, dont la somme est responsable d’un nombre effrayant de décès. De même, nous ne devrions prescrire que très peu de médicaments psychotropes, car ils sont en général dangereux dès que la prise excède quelques semaines.

    Les pilules contraceptives de la génération Yasmin présentent un risque d’embolie plus élevé que celles des générations précédentes. Rien qu’aux USA, Bayer a dû payer près de 2 milliards de dollars à des femmes abîmés. Pourquoi ces pilules ne sont-elles toujours pas interdites ?

    Un de mes collègues danois a publié très tôt deux études prouvant que les pilules de type Yaz ou Yasmin présentent un risque plus élevé de formation de caillots. Il a été la cible d’attaques agressives de la part de médecins stipendiés par Bayer, qui a en outre financé des études contestant l’accroissement des risques.

    Bayer est l’un des plus gros marchands de médicaments en vente libre au monde. Quel est le plus gros problème en ce domaine ?

    La plupart ne servent à rien, sauf à soutirer de l’argent aux clients.

    Que pensez-vous des tentatives, répétées régulièrement, de faire prendre tous les jours de l’aspirine même aux gens en bonne santé pour prévenir les maladies cardiaques et certains cancers ?

    Il n’y a rien à objecter, somme toute nous voulons tous vivre longtemps. Le revers de la médaille est cependant que très peu profiteraient d’une telle prophylaxie, alors qu’elle nuirait à beaucoup. Ce n’est donc pas une bonne idée de traiter préventivement toute la population. D’une manière générale, le surtraitement de gens en bonne santé constitue l’un des principaux problèmes de santé actuels et parallèlement l’un des bizness les plus lucratifs pour l’industrie pharmaceutique.

    Bayer et le CHU de Cologne ont conclu en 2008 un vaste contrat de collaboration. Nous avons vainement essayé d’avoir un aperçu de son contenu. Nous accordez-vous que ce genre de partenariats à contenus secrets conduisent à orienter la recherche selon des critères purement économiques ?

    Je suis un adversaire résolu de ce type de partenariats. L’expérience montre que les firmes en retirent la plupart du temps des bénéfices et revendiquent les résultats pour elles-mêmes. Les contribuables règlent la note en payant les médicaments beaucoup plus cher.En outre : est-il acceptable de collaborer avec une branche qui a souvent une conduite criminelle et qui accepte de faire mourir de nombreux patients par désir de profit ? Pour moi, c’est non. Les études cliniques doivent être menées de façon complètement indépendante des firmes. Et il ne doit pas y avoir de partenariat secret dans le domaine de la santé, c’est fondamental. Vous devriez exiger un droit de regard devant les tribunaux ou vous adresser à un médiateur ou au personnel politique.

    Des études financées par l’argent public parviennent souvent à des résultats différents de ceux des enquêtes menées par les industriels. Comment cela se fait-il ?

    Cela n’a aucun sens de laisser une entreprise qui peut gagner des milliards d’euros par le biais d’études complaisantes être le plus souvent la seule à recevoir les données brutes des études.Dans notre système, les entreprises pharmaceutiques sont les seuls juges. C’est tout de même bizarre, car dans d’autres domaines nous nous y refusons. On trouverait par exemple ridicule de dire à un juge : « J’ai fait ma propre enquête et voilà les résultats. » Mais c’est justement ce système que nous avons accepté dans le domaine de la santé. Les industriels font faire les études eux-mêmes et les manipulent souvent de façon scandaleuse. C’est pourquoi on ne peut se fier aux publications émanant des entreprises, même dans des revues spécialisées de grand renom.

    Selon vous, le système est bourré de conflits d’intérêt. Les firmes pharmaceutiques rémunèrent des médecins, des hauts fonctionnaires pantouflent dans l’industrie, et inversement. Comment changer cela ?

    Partout on se heurte à l’argent des industriels. C’est pourquoi je propose d’interdire purement et simplement la publicité pour les produits pharmaceutiques. Les bons médicaments s’imposeront toujours, nous n’avons pas besoin de réclame pour ça.Interdire la publicité empêcherait que les visiteurs médicaux ne corrompent les médecins. Les rédacteurs des revues médicales n’auraient plus aussi peur de publier des articles qui ne servent pas les intérêts des industriels. Une telle réforme libérerait la presse médicale de l’emprise de « Big Pharma » (les Grandes Compagnies ?).

    Avez-vous d’autres demandes de réglementation de l’industrie pharmaceutique ?

    Les industriels conservent par devers eux les données brutes de leurs études. Nous devrions plutôt soumettre les nouveaux médicaments à des enquêtes effectuées par des instances publiques. Les fabricants pourraient payer les tests, mais n’auraient rien d’autre à faire avec les études elles-mêmes. Et les médecins ne devraient accepter aucune libéralité des industriels. Actuellement beaucoup de médecins sont malheureusement prêts à se donner pour co-auteurs d’études, rédigées en réalité par les firmes, et sans pouvoir accéder à leurs données brutes. Or ces études ne peuvent être réalisées sans la collaboration des médecins et de leurs malades. C’est donc un cas de trahison de l’intégrité scientifique et d’abus de confiance envers les patients. Les médecins et les groupes d’entraide de malades doivent tout simplement refuser l’argent d’industriels aussi corrompus.

    Dans votre livre, vous dites que ceux qui dévoilent la conduite criminelle des industriels de la pharmacie sont aussitôt traités en parias. Avez-vous subi des rétorsions après la parution de ce livre?

    Non, au contraire, le livre a été encensé. Des industriels je n’ai bien sûr pas eu de retours directs. Mais il y a eu quelques mensonges purs et simples de la part des groupes de lobbying et de leurs partenaires stipendiés au sein du corps médical.

    Source: Tlaxcala-int.org via Preventionsante.org


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  • source: https://reporterre.net/Pour-changer-l-economie-ils-relocalisent-la-monnaie

    31 août 2016 / Baptiste Giraud (Reporterre)

     

    En France et dans le monde, les « monnaies locales complémentaires » se multiplient. Leur but : favoriser les commerces de proximité, les petits producteurs, les circuits courts, et l’économie locale. Mais elles alimentent aussi une réflexion essentielle sur le rôle et le sens de la monnaie et de l’économie.

    Après le revenu de base et l’entreprise sans hiérarchie, Reporterre poursuit sa série d’enquêtes sur les alternatives qui peuvent changer la société, Du local au global. En se demandant ce qui se passerait si les solutions n’étaient pas alternatives, mais appliquées à grande échelle. Troisième volet : les monnaies locales complémentaires.


    Samedi matin au marché de Trentemoult, petit village de l’agglomération nantaise. Une quinzaine de commerçants ont déballé leur stand au bord de la Loire. Parmi eux, trois se distinguent. Fromages, confitures, fruits et légumes : chez eux, tout peut s’acheter aussi bien en euros qu’en retz’L, la monnaie locale du pays de Retz (prononcer «  »). Outre les cabanes de pêcheurs qui ont remplacé les ponts européens sur les billets, on remarque peu de différence dans le geste banal de paiement. Pourtant, ce sont deux visions de l’économie qui se côtoient ici.

    Derrière son étalage de confitures, Anne Kermagoret accepte les retz’L depuis peu de temps : « J’ai été intéressée par le côté militant avant tout, contre la spéculation. Et puis, cela amène davantage à parler avec les gens. » En face, Anne Blomqvist vend des fruits et légumes bio en retz’L depuis deux ans. Elle a constaté une augmentation de la circulation de la monnaie locale depuis la diffusion du documentaire Demain : « Cela remotive, car on retrouve le sens de la démarche globale », explique-t-elle. Le sens d’une monnaie locale ? C’est d’abord de relocaliser la production et la consommation dans un cercle proche, de développer une forme de « résilience », mais aussi de « renforcer le lien social à travers nos échanges », favoriser le développement d’activités, et « refuser la spéculation » (voir le Manifeste pour les monnaies locales complémentaires).

    « Une mobilisation citoyenne tout à fait impressionnante »

    Un peu plus loin, dans le bourg limitrophe de Bouguenais, d’où est parti le Retz’L en 2012, la boulangère se montre un peu moins enthousiaste : « Je l’utilise car des clients me l’ont demandé, et pour le fun. Mais je ne suis pas convaincue... » Même distance chez sa voisine, épicière : « L’objectif est que tout le monde s’en serve, mais pour l’instant ce n’est que certaines personnes, des militants. Alors je ne reçois pas beaucoup de retz’L et je les reconvertis toujours en euros. » Et pour cause : seuls 300 utilisateurs et 150 professionnels utilisent les environ 20.000 retz’L en circulation. « L’adhésion à ces monnaies reste faible car les gens ne sont pas informés de toutes les dimensions que cela comporte, reconnaît Philippe Derudder, qui promeut la création de monnaies locales complémentaires (MLC) depuis une dizaine d’années en France. Or, il faudrait davantage d’utilisateurs pour que les MLC aient une réelle pertinence ».

    C’est en effet le paradoxe actuel des MLC. De plus en plus d’associations se créent pour lancer des monnaies locales. Depuis la première en France, l’Abeille de Villeneuve-sur-Lot en 2010, plus d’une trentaine sont entrées aujourd’hui en circulation (carte). Et encore une trentaine en préparation, dont une à Paris, en collaboration avec la mairie. Sans compter leurs cousines, autres monnaies sociales et systèmes d’échanges locaux (SEL) aux fonctionnements différents [1]. « En très peu de temps, les MLC ont pris finalement pas mal d’ampleur dans notre pays. Cela veut dire qu’il y a une mobilisation citoyenne tout à fait impressionnante », analyse Christophe Fourel, coauteur du rapport D’autres monnaies pour une nouvelle prospérité et chef de la mission Analyse et stratégie au ministère des Affaires sociales et de la Santé. Parmi les succès notables, la monnaie du Pays basque, qui compte 3.000 adhérents, 600 entreprises et 460.000 euskos en circulation. Mais dans un grand nombre de cas, les groupes locaux peinent à atteindre un nombre suffisant de participants pour lancer une vraie dynamique économique.

    « Pour qu’une MLC fonctionne vraiment bien, il faut trois acteurs : des citoyens utilisateurs, des prestataires et commerçants, et des collectivités locales », selon Jean-François Ponsot, maître de conférence en sciences économiques à l’université Grenoble Alpes. Or, aujourd’hui, le 3e ne joue pas le rôle moteur qu’il aurait si les salaires versés par les collectivités locales, leurs achats, et les impôts prélevés, étaient en monnaie locale.

    Un côté éducation populaire ou atelier constituant 

    En Allemagne, des MLC ont existé dès le début des années 2000, mais sans aucune reconnaissance de l’État. « Une commune a essayé d’accepter les impôts en monnaie locale, mais elle s’est fait contrôler par l’administration, qui n’en voulait pas », nous raconte Christophe Levannier, du chiemgauer, la monnaie locale de Bavière. Résultat, l’essor attendu des MLC a tourné court, et seul le chiemgauer s’est développé. En France, la loi sur l’économie sociale et solidaire de 2014 a permis la reconnaissance des MLC. Mais sans régler la question de leur utilisation par le secteur public, qui devrait être étudié à l’Assemblée nationale en septembre prochain. Techniquement, rien ne s’y oppose, et certaines mairies ont déjà commencé à accepter des monnaies locales dans des maisons de quartier, centres de loisirs, cantines scolaires ou crèches.

    Si l’effet des monnaies locales sur l’économie réelle reste pour l’heure très limité et difficilement quantifiable, il se pourrait que leur intérêt principal réside dans le décodage et l’appropriation de la monnaie par les citoyens. « La plupart des gens ne savent pas comment fonctionne la monnaie, comment elle est créée, et en même temps ils entretiennent une relation très passionnelle avec elle », selon Christophe Levannier. Faire partie d’une MLC, c’est participer à la création ou à la gestion d’une monnaie, et cela implique de comprendre la mécanique interne. Comment est créée la monnaie ? À quoi correspondent les taux d’intérêt ? Une monnaie peut-elle être fondante (avoir un taux d’intérêt négatif) ? Ces questions incontournables donnent aux MLC un côté éducation populaire, ou atelier constituant.

    « La monnaie, c’est du lien social, cela incarne des valeurs, des pratiques, des projets, rappelle Jean-François Ponsot. Or aujourd’hui, l’essentiel des crédits bancaires alimente la spéculation, c’est un détournement. Donc ce n’est pas étonnant que certains cherchent à se réapproprier la monnaie. C’est un phénomène sain », poursuit-il. À l’opposé d’une institution monétaire européenne (la Banque centrale) qui parait très éloignée et technocratique, l’échelon local permet aux citoyens ainsi réunis de décider du fonctionnement de leur monnaie de manière démocratique, en assemblée générale.

    Une monnaie complémentaire nationale, le Coopek 

    Et cela en partant des défauts de l’actuelle : « L’euro est très efficace pour les échanges internationaux, mais présente un inconvénient : elle détruit les structures locales », soutient Christophe Levannier. D’où la nécessité de monnaies locales véritablement « complémentaires », opérant chacune à une échelle différente. « La production de vêtements par exemple, sera plutôt nationale ou européenne. Même chose pour les smartphones et autres produits manufacturés. Donc il serait intéressant que les monnaies locales travaillent en réseau : j’ai un compte en euskos, mais je peux faire une conversion vers une autre monnaie locale », explique Dante Edme-Sanjurjo, coprésident de la monnaie basque..

    Et cela ne serait d’ailleurs pas nouveau. Jusqu’au début du XXe siècle, plusieurs types de monnaies circulaient en même temps, « monnaies de cuivre ou de billon pour les échanges de base des communautés villageoises, d’argent pour les échanges nationaux et la fiscalité d’or pour les échanges internationaux et la diplomatie », rappellent Bruno Théret et Wojtek Kalinovski dans Les Dossiers d’Alternatives économiques consacrés à la monnaie. Les MLC prônent donc la diversité monétaire, renforçant la résilience des économies, contre la « monoculture monétaire », plus sensible aux crises.

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    Le siège de la Banque centrale européenne, à Francfort (Allemagne).

    Justement, après les monnaies locales, une monnaie complémentaire nationale, entièrement numérique, devrait voir le jour en octobre prochain : le Coopek. Imaginée par les dirigeants de Biocoop, cette monnaie sera gérée par une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), et utilisable par tout le monde à condition d’adhérer à la SCIC. « La spéculation est le cancer du système monétaire européen : l’argent ne circule pas et se multiplie sur lui-même. Le Coopek, lui, servira le développement de l’économie réelle », insiste Claude Gruffat, président de Biocoop.

    Mais n’y a-t-il pas un risque que monnaies locales et monnaie nationale entrent en concurrence ? « La cohérence d’une monnaie locale, c’est de se connaître, partager quelque chose, avoir une chance de se rencontrer physiquement. Si l’on est au niveau du pays entier, ça n’a pas le même sens. Il faudra faire attention que cette monnaie-là ne vienne pas capter l’attention au détriment des monnaies plus intéressantes qui sont locales », prévient Dante Edme-Sanjurjo, qui n’est pas le seul à s’inquiéter. Claude Gruffat assure que tout sera fait pour que la cohabitation se passe bien, et défend l’intérêt de l’échelle nationale : « Aujourd’hui, dans huit entreprises sur dix, l’argent vient d’ailleurs que du local, donc il faut tenir compte de ces périmètres. La monnaie nationale permettra une meilleure circulation d’argent, et renforcera l’économie locale. » Il donne l’exemple des magasins Biocoop, qui appartiennent à un réseau national, mais proposent également des produits locaux.

    Critiquer et repenser le système économique dominant 

    Pour relocaliser l’économie, il existe un autre outil : la mise en place de droits de douane selon la provenance des produits qui passent la frontière, également appelé protectionnisme. « Les MLC correspondent à ce qu’on peut faire au niveau citoyen, mais dans une approche plus politique, il serait tout à fait intelligent de revenir à du protectionnisme pour équilibrer les échanges », selon Philippe Derudder. La solution ne séduit pas les décroissants, qui y voient une « réaction palliative de protection réflexe ».

    Reste que le chemin de monnaies locales conduit à critiquer et repenser le système économique dominant. « L’idée d’avoir une monnaie qui soit vraiment au service de l’économie réelle, au-delà des MLC, passe par la réforme du système de financement de l’économie : contrôler le crédit en nationalisant des banques ou en mettant en place une gouvernance coopérative, se débarrasser des banques d’affaires, faire une réforme bancaire en profondeur, etc. » lance Jean-François Ponsot.

    Parmi ces idées, celle de permettre l’émission d’une monnaie publique à l’échelle locale ou nationale semble faire son chemin. Philippe Derudder travaille sur une « monnaie nationale complémentaire pour financer le bien commun ». Il s’agirait de financer par la création d’une monnaie alternative (non compensée par des euros, comme c’est le cas pour les MLC actuelles) l’économie de biens communs (la santé, l’éducation, la justice, etc.) et donc de la rendre indépendante du secteur marchand. Ce système pourrait également être mis en place à l’échelon local, en permettant aux monnaies locales de croître sans qu’il soit nécessaire de déposer des euros, afin de financer certains projets [2].

    « Aujourd’hui les MLC sont des espaces de débat et de réflexion qui posent les questions de fond. Mais on ne sait pas s’il y aura des MLC dans le monde de demain », avoue Philippe Derudder. « L’outil MLC en lui-même n’a rien d’extraordinaire, il fonctionne quand les gens s’en emparent, ce n’est pas lui qui va révolutionner les choses », abonde Jean-Claude Chauvigné, du retz’L. L’essentiel serait plutôt dans notre imaginaire, notre conception des échanges en société. « La monnaie locale est un outil, ce qui est loin d’être suffisant pour faire société. Mais elle peut être assez pertinente pour accompagner une transformation sociale et culturelle : remettre le marché et l’économie à leur place, en dessous des valeurs conviviales et humaines », conclut le décroissant Vincent Liegey.


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  • Source: https://reporterre.net/L-industrie-automobile-est-une-arme-de-destruction-massive

    5 octobre 2016 / Noël Mamère

    La grand-messe bisannuelle et parisienne de l’automobile s’est peinte en vert. En vain. La voiture « reste l’expression la plus visible du mode de production capitaliste et productiviste », explique notre chroniqueur. Ce mode de transport ayant construit notre monde, la transition écologique passe nécessairement par une « transformation radicale de son usage social ».

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    Noël Mamère.

    Le Mondial de l’automobile est le dernier refuge de l’économie verte. On n’y parle que d’environnement, de voitures hybride et électrique, censées réduire la consommation d’essence et rompre avec le diesel. Comme si la génuflexion devant l’écologie permettait de s’affranchir définitivement de toute critique de « l’hommauto », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Bernard Charbonneau, publié il y a plus de cinquante ans. Ce penseur écologiste de la « grande mue » critiquait déjà la subordination de l’homme à l’automobile, l’intégration physique et psychologique de l’homme moderne, enchaîné à son automobile.

    Le Salon de l’auto, créé il y a 118 ans, a toujours été la grand-messe bisannuelle de cette nouvelle religion ; les messes hebdomadaires étant les Grands Prix de Formule 1, incarnation à eux seuls du gaspillage et illustration avant la lettre de tous les Grands Projets inutiles et imposés. L’automobile reste l’expression la plus visible du mode de production capitaliste et productiviste. Car il faut bien appeler les choses par leur nom : depuis la production de la première automobile jusqu’au dernier modèle de 2016, l’industrie automobile a été le vecteur d’une révolution industrielle devenue arme de destruction massive de la planète par excellence et matrice du taylorisme, cette organisation scientifique du travail, appliquée par Henry Ford, qui organisa méthodiquement l’exploitation de millions d’ouvriers de par le monde. Le travail à la chaîne a discipliné la classe ouvrière, en lui imposant une soumission au quotidien qu’expriment aussi bien le film de Charlie Chaplin Les Temps modernes que les essais de Simone Weil sur la condition ouvrière.

    Tout un mode de vie s’est construit autour de la bagnole 

    L’automobile ne pouvait fonctionner qu’avec du pétrole. Elle contribua donc à dessiner les lignes de force géopolitiques dont nous subissons encore les conséquences. L’accord Sykes-Picot, il y a cent ans, créa l’Irak et la Syrie afin de délimiter les zones pétrolifères anglo-françaises, tandis que les États-Unis passaient un pacte pour l’or noir avec la famille des Saoud… qui dure jusqu’à nos jours, malgré le 11-Septembre, la Syrie, le salafisme et les révolutions arabes.

    L’industrie automobile eut également une conséquence majeure sur l’organisation de la ville. Le débat ubuesque sur la libération des berges de la Seine en est l’ultime expression. Avec la voiture, les boulevards périphériques coupaient radicalement les centres-villes de leurs banlieues, les rejetant ainsi dans les marges de la civilisation urbaine. Tant que les usines, ces forteresses ouvrières, structuraient la vie des cités, un équilibre s’était organisé bon gré mal gré. Dès qu’elles furent délocalisées, le désert français s’étendit, des campagnes délaissées aux périphéries, construisant des barrières invisibles dans le lien social.

    Mais c’est aussi tout un mode de vie qui s’est construit autour de la bagnole : les week-ends que l’on passait en famille sur les routes embouteillées, jusqu’à la maison de campagne ou à celle des parents ; les congés payés où l’on allait à la mer ou à la montagne passer des vacances, entassés sur les plages ou sur les pistes de ski… Cette illusoire civilisation des loisirs permettait au salarié d’oublier son asservissement quotidien.

    Le pic pétrolier, l’asphyxie des villes par la pollution et le réchauffement climatique 

    Avec la télévision et le Prozac, les Trente Glorieuses, bâties sur le triomphe de la voiture, ont créé l’illusion d’un paradis acceptable, sinon vivable, pour des millions d’ouvriers qui accédaient ainsi à un semblant d’égalité avec les classes moyennes et supérieures. Dans les embouteillages, tout le monde semblait égal ; les classes sociales s’affaissaient, la conscience de classe disparaissait.

    C’est tout ce monde du XXe siècle qui s’effondre sous nos yeux aujourd’hui. L’instrumentalisation à haute dose de l’environnement dans ce Mondial, où PSA affiche son partenariat avec France nature environnement, où l’autopartage et la voiture partagée sont célébrés comme autant d’avancées, n’est qu’un cache-sexe pour masquer l’effondrement de la civilisation automobile, qui a commencé à s’effacer à Detroit avec la crise des subprimes de 2008. Malgré la hausse des ventes, plus de 75.000 emplois ont été supprimés en France depuis cette date.

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    Louis Renault, victorieux du Paris-Rambouillet 1899 avec sa première voiturette, la Renault Type A.

    Ce processus s’accélèrera avec le pic pétrolier, l’asphyxie des villes par la pollution et le réchauffement climatique, qui mettront les industriels devant un dilemme : choisir d’investir dans d’autres modes de transport, plus collectifs, moins polluants, plus soucieux de la mobilité de proximité, ou opérer une fuite en avant, en s’appuyant sur l’écoblanchiment et en mentant sur ses performances. Trente millions d’automobiles Diesel sont hors normes et roulent toujours dans l’Union européenne, dont 5,5 millions en France, provoquant la mort prématurée de centaines de milliers de personnes. Telle est la réalité que nous devons à ces assassins en col blanc.

    Crimes écologiques commis au nom de la liberté automobile

    Derrière le Mondial de l’automobile, se pose en fait la question de la transition écologique. Comment faire, en effet, pour que les classes populaires, notamment celles qui sont reléguées loin des centres-villes, puissent se réapproprier leur mobilité sans que cela passe forcément par l’objet automobile ? Comment sortir, en deux ou trois générations, de cette addiction à la bagnole dont nous sommes tous responsables en pensant, peu ou prou, que la voiture est un instrument de liberté ?

    Cette transition pose le problème de la relocalisation et de la reconversion de l’industrie des transports, adossées à une planification écologique qui partirait des territoires et ne serait plus exclusivement dépendante des décisions financières de grands groupes transnationaux dont on peut constater les effets, notamment à Alsthom. Ici, l’État démontre à la fois son impuissance, son absence de projet et son hypocrisie : comment peut-on faire voter la loi Macron sur les autocars, relancer les investissements sur les autoroutes et casser les tentatives de relance du fret ferroviaire tout en se réclamant des objectifs déjà dépassés de la COP21 ? C’est cette imposture qui éclate à l’occasion d’un Mondial de l’automobile qu’on a repeint en vert pour l’occasion.

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    Lors du Mondial de l’automobile 2014.

    La bagnole est morte, vive la voiture libre et verte du XXIe siècle ? Qui seront les cocus de ce storytelling de pacotille, écrit par les boss multimillionnaires et tricheurs de cette industrie ? Qui fera, un jour, le bilan des crimes écologiques commis au nom de la liberté automobile : morts dans des accidents de la route, morts par pollution de l’air, morts par accidents du travail dans leurs usines ? Nous ne demandons pas la fin de l’automobile, mais la transformation radicale de son usage social.

    Je comprends très bien les réticences des ruraux à se passer d’un engin qui leur permet de se déplacer rapidement, mais je dois constater aussi que, 95 % du temps, la voiture de l’immense majorité des Parisiens reste au parking. Et que nous assistons au même phénomène dans les grandes métropoles. C’est une tendance de fond : la voiture est utile, à condition de savoir s’en passer et de ne plus la considérer comme indispensable.


    P.-S. Je n’ai pas consacré de chronique à la primaire des écologistes car je considère qu’elle est malheureusement anecdotique dans une situation où l’on ne voit plus très bien l’utilité de présenter un candidat pour « porter le message de l’écologie ». Aujourd’hui, il s’agit c’est de passer à la vitesse supérieure, en transformant la gauche, du sol au plafond, en l’écologisant. Qui sera le plus utile pour cette tâche essentielle ? Malgré le talent et les qualités incontestables des quatre candidats en lice, l’espace d’EELV ne me semble pas en mesure de satisfaire cet objectif.

    P.P.-S. Le non au référendum des Colombiens est une tragédie. Le processus de paix, mené depuis six ans conjointement par le Président Santos et les Farc, était un dépassement de la guerre civile qui sévit depuis 1964 dans ce pays. Espérons que, malgré ce résultat, les parties en présence sauront préserver l’essentiel : les acquis d’une négociation qui permettait aux uns et aux autres d’en finir avec les démons du passé.


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