• Detroit, la faillite d'un symbole

    Reportage posté sur Youtube le 2 décembre 2012

    Berceau de l'industrie automobile américaine et de la musique soul, la plus grande ville du Michigan a été, plus que d'autres aux États-Unis, laminée par les crises successives. Certains de ses habitants tentent de relever la tête...

    « Cette ville fait 250 km2 et il y a des milliers de bâtiments abandonnés », témoigne Bob Huston en faisant visiter ce qui reste d'un hôpital désaffecté. « Le système scolaire est foutu, l'infrastructure est foutue, tout est vieux et obsolète. On n'a pas d'argent, on est en déficit. En 1960, la ville comptait presque deux millions d'habitants, aujourd'hui elle n'en a plus que 750 000. Plus d'un million de personnes ont quitté la ville, c'est horrible. » Construite en 1913, la Michigan Central Station, par laquelle affluaient chaque jour au début du XXe siècle 5 000 immigrants d'Europe, est fermée depuis 1988. Livrée à tous les vents comme des dizaines de bâtiments publics ou industriels, la gare ne voit plus passer aucun train, excepté celui de la désolation. Detroit est en faillite depuis qu'elle est privée des subventions fédérales, servies seulement aux villes de plus de 750 000 habitants. Dans la cité, où eurent lieu en 1967 les plus graves émeutes à caractère racial de l'histoire des Etats-Unis, plus rien ne va depuis longtemps déjà. « D'une manière ou d'une autre, observe Nolan Finley, éditorialiste au Detroit News, Detroit est en déclin depuis les années 1930. On n'a jamais récupéré complètement de la grande dépression. »

    Un autre futur se dessine... peut-être

    Rattrapée par la mondialisation et la désindustrialisation, gangrenée par un chômage et une criminalité exponentiels, Detroit a fini de boire la tasse avec la crise financière de 2008, qui a vidé de leurs occupants des quartiers entiers, avalés depuis par les herbes folles. Peuplée à plus de 80 % par des Afro-Américains, « Motor City » n'a pourtant pas encore dit son dernier mot. Un peu partout, des initiatives émergent. De nouveaux business, comme celui d'agent immobilier qu'est venu y exercer le Français Jérôme Huez, voient le jour. « Nous sommes une ville, assure Ann Perrault, qui a monté sa boulangerie bio, qui peut s'écrouler sur elle-même. En même temps, c'est un terrain d'opportunités où l'on peut créer plein de choses. » Des habitants se retroussent les manches pour transformer les friches, qui occupent un tiers de la superficie de la l'agglomération, en jardins potagers. Avec Wayne, son mari, Myrtle Curtis veille sur des parcelles d'épinards et de laitues : « Tu es ce que tu manges, fais pousser un jardin et tu feras pousser la communauté. » En ayant fait passer le nombre de jardins de 80 en 2004 à 1 600 aujourd'hui, des citoyens ont commencé à se réapproprier leur territoire et à se réinventer un futur. Président d'Eastern Market, le grand marché de Detroit, où se retrouvent les petits producteurs locaux, Dan Carmody veut croire au frémissement qui annoncera, peut-être, des jours meilleurs : « C'est à Detroit que le futur des villes américaines est en train de se définir. Le système est plus cassé ici qu'ailleurs, on est donc plus libres pour expérimenter de nouveaux modèles... »

    Christine Guillemeau


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