• Big Brother existe… et tout le monde s'en fout

    Source: http://lesmoutonsenrages.fr/2014/01/05/big-brother-existe-et-tout-le-monde-se-fout-de-la-menace-les-raisons-de-notre-etrange-anesthesie-collective/comment-page-1/#comment-242629

    Alors que la construction par la NSA d’un « super-ordinateur » capable de briser n’importe quel code vient d’être révélée, les opinions publiques semblent de moins en moins se préoccuper de la protection de leur vie privée. Une indifférence qui n’est pas sans rappeler celle des masses apathiques décrites dans « 1984″ par Georges Orwell.

    La NSA serait en train de construire un "super-ordinateur" capable de briser n'importe quel code

    La NSA serait en train de construire un « super-ordinateur » capable de briser n’importe quel code Crédit REUTERS/Heinz-Peter Bade

    Atlantico : La NSA serait en train de construire un « super-ordinateur » capable de briser n’importe quel code. Comment expliquer qu’une telle affaire suscite si peu d’indignation alors que le scandale du Watergate en 1974 avait débouché sur une crise politique historique ?

    Thiébaut Devergranne : Plusieurs choses sont déjà à distinguer. Tout d’abord, le scandale du Watergate était celui d’un président américain qui utilisait tous les services dont il disposait pour réaliser des écoutes de journalistes. La logique de la NSA est différente puisque son objectif est d’assurer la sécurité nationale en espionnant ceux qui pourraient y porter atteinte, terroristes inclus. En se rendant compte aujourd’hui de l’ampleur et de la performance des interceptions de données, il n’est pas anodin de voir plusieurs personnes s’interroger sur les mécanismes de contrôle (et leurs efficiences) face à un organisme aussi titanesque. Mis en place dans les années 2000, ce système d’écoutes s’est évidemment légitimé par la peur des populations face à l’éventualité d’une suite d’attentats. Le premier de ces programmes a été baptisé « Total Information Awareness » (« Connaissance totale de l’information », NDLR) et a ainsi été créé en 2002 à la suite des événements du 11 septembre.

    Michel Nesterenko : Comme toujours on peut faire dire ce que l’on veut aux statistiques, comme par exemple l’évaporation du chômage, mais on ne peut s’empêcher de remarquer que les récents sondages aux États Unis indiquent une large majorité populaire pour faire cesser les activités de la NSA, chez tous ceux ayant une éducation supérieure. La courbe étant inversée pour ceux qui ont peu où pas d’éducation, qui eux, sont pour un Etat policier et totalitaire pouvant imposer sa volonté aux autres pays étrangers.

    Les experts sollicités par le président ont remis un rapport qui recommande la disparition de la NSA en tant que telle, et de muter certains services dans les forces armées. Le monde de l’entreprise est unanime pour la cessation pure et simple de la NSA, compte tenu des dégâts économiques considérables infligés par la NSA, organe du gouvernement américain, aux entreprises américaines qu’elle était supposée protéger.

    Jusqu’au New York Times, un média donnant le ton politique national, qui prône, aujourd’hui, le pardon de Snowden en récompense pour sa contribution au débat démocratique national essentiel. Pour le Watergate il s’agissait d’une violation des règles du jeu électoral par le parti Républicain contre le parti Démocrate. Ce sont avant tout les politiques qui ont donné de la voix. Dans la cas de la NSA, il s’agit du peuple et des entreprises contre le gouvernement, les politiques ne se sentant pas mis en cause directement, pour l’instant.

    En Allemagne et dans plusieurs pays européens l’exaspération de l’opinion publique est à son comble, certains politiques emboitant le pas. Dans le reste du monde nous voyons des mesures de rétorsion et de défense se mettre en place graduellement. En France en effet, il semble y avoir une apathie largement partagée, les citoyens étant surtout préoccupés par le climat économique déplorable et une majorité politique cherchant à tout gommer au plus vite.

    Déjà le scandale Echelon à la fin des années 1990 avait mis la puce à l’oreille de quelques observateurs vigilants, vite relégués au rang de théoriciens du complot. Faut-il en déduire que le plus grand nombre s’est aujourd’hui habitué, à force de scandales, à l’inacceptable ?

    Michel Nesterenko : La démocratie n’est pas l’apanage des ignares. C’est pour cela que toutes les grandes démocraties ont développé un système, fort coûteux d’ailleurs, d’éducation universelle et pour tout un chacun. La protection de la sphère privée passe après la sécurité de l’emploi, et en France après les vacances. L’affaire NSA arrive, pour la France en pleine crise économique institutionnelle qui monopolise, avec raison, l’attention des médias  et des citoyens. Les dégâts induits par l’espionnage américain, et celui du gouvernement français qui lui emboite le pas (voir la loi de programmation militaire) ne sont, pour l’instant qu’une lointaine préoccupation.

    Les citoyens ne doivent-ils pas par ailleurs se méfier d’une certaine nonchalance, d’aucuns se disant qu’ils ne risquent rien puisqu’ils n’ont, en théorie, rien à se reprocher ?  ECO2013: NON!!!! IL NE FAUT PAS CONFONDRE L’INTIMITÉ ET L’INNOCENCE 

    Thiébaut Devergranne : Il faut savoir que l’utilisateur dispose déjà, de par la loi, de toute une série de droits en la matière. Le problème est que les usagers sont souvent peu scrupuleux à cet égard : quelqu’un qui est assailli de spams (messages publicitaires intempestifs, NDLR) ou voit ses données personnelles utilisées contre sa volonté, ne sait pas exactement comment faire valoir ses droits. Il est difficile cependant de critiquer les citoyens dans le sens où il est particulièrement difficile d’entamer ce type de démarche, souvent longue et coûteuse. Malheureusement, le système actuel n’offre que deux alternatives : être extrêmement prudent à chaque connexion ou disposer d’une somme d’argent suffisante pour supporter d’éventuels procès. Ce propos est valable pour tous les traitements de données personnelles par des entreprises, mais l’est bien moins pour des affaires d’espionnage gouvernemental telles que celles révélées par M. Snowden.

    La banalisation progressive du matériel informatique depuis les années 1970 peut-elle expliquer le peu de cas que font aujourd’hui les citoyens des systèmes d’espionnage numérique ?

    Thiébaut Devergranne : Le principal problème en la matière est que des systèmes comme PRISM ne portent pas directement et physiquement atteinte aux personnes qui en sont victimes. Lorsque les services de renseignements connectent de façon massive, quasi-totale, nos données personnelles (sites fréquentés, communications…) nous ne le voyons pas, ne le sentons pas, ni ne l’entendons. Une personne pourra éventuellement s’en apercevoir en bout de course, en se voyant notamment refuser sans raisons particulières un poste important (haute fonction publique, nucléaire, sécurité…). En dehors de ce type d’événement, le phénomène reste toutefois entièrement imperceptible.

    Dans les années 1970, époque qui a vu naître en France la « loi informatique et libertés » (1978), un scandale alors retentissant avait éclaté autour de « l’affaire Safari » tiré du nom d’un projet d’interconnexions de différentes informations administratives. Cette surveillance massive, qui portait notamment sur les numéros de sécurité sociale, avait été révélée dans le Monde en mars 1974, provoquant un tollé général et débouchant sur la fameuse loi citée plus haut. Si un tel scandale ne se reproduit pas aujourd’hui, cela s’explique justement par une vision totalement différente de l’informatique que celle que l’on pouvait avoir il y a quarante ans. L’époque était celle des gros ordinateurs que seules les institutions d’Etat pouvaient alors posséder et l’usage numérique personnel était inexistant. Actuellement l’informatique est perçu comme un outil positif qui nous rend service, facilite notre quotidien et nos échanges, d’où cette différence de traitement.

    Fin de l’article sur Atlantico.fr


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